
Une poignée de jours passés à méditer sur les beaux paysages du Moyen-Atlas marocain et c'est toute l'enfance qui investit vos pensées. Mais si l'age s'acharne à faire disparaitre les souvenirs, la sècheresse a elle eu raison des lacs de la région. Il n'y a plus d'eau et l'impact de cette disparition n'est pas uniquement économique. Le regard des jeunes adossés aux murs, sans travail et surtout sans illusion, en dit long sur l'ambiance qui règne dans nos villages. Ce fatalisme, que sans doute d'autres époques ont connu, fait mal et... peur. Est-il possible encore de leur redonner un espoir ? De les accompagner, de les aider à s'inventer un futur? Je ne sais pas. Ce sera certainement très compliqué. Aucune piste ne devra de toute façon être négligée et l'approche sera nécessairement multiple, intégrée. Et pour se donner un maximum de chances de réussite, il serait heureux de puiser dans le passé les leçons des temps difficiles. De s'en servir pour affiner les scénarios de sortie de crise. Questionner le passé climatique notamment nous permettrait d'en savoir un peu plus sur le vécu des populations en période aride et les solutions qu'elles ont inventé pour se prémunir. L'histoire du climat commence à émerger comme clé d'analyse majeure et, en France comme ailleurs, des projets comme OPHELIE, initié par le Commissariat à l'Energie Atomique, fleurissent. Le Maroc doit engager une réflexion similaire, qui est tout sauf un luxe.
Scrutant goguenard ma mine désolée devant le lit asséché de Dayet Aoua, un très vieux berger d'Immouzer m'a fait, dans une langue colorée que je peine à restituer en français, cette réponse : "Ce n'est pas le manque d'eau qui doit te préoccuper mon fils ; j'ai connu des périodes aussi dramatiques que celle que nous vivons. Ce qui m'inquiète plutôt est l'incapacité des hommes à retenir les leçons de l'adversité. Que nos jeunes démissionnent et aucune pluie ne pourra ranimer ce lac ni irriguer nos vies". Bizarrement, une incroyable sérénité se dégageait de son visage tanné par le soleil et le labeur au moment même où il prononçait sa sentence. Et sa foi en l'avenir me parut aussi inébranlable que les rochers dénudés des environs.
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