Nostalgie contrastée

Nostalgie de l'enfance aidant, l'Espagne des années de la dictature franquiste me fascine. Mon regard de jeune voyageur ne percevait évidemment pas ou peu les terribles atteintes à la dignité humaine du régime du Généralissime. A peine voyait-il la misère de ces villages perdus que traversait une locomotive poussive et sans confort. Et lisait parfois dans le regard triste des villageois toutes les souffrances et les privations endurées.

Mais l'Espagne de ces années-là était aussi pour un jeune Marocain, paradoxalement, l'antichambre de la liberté, la promesse de soirées folles et de farniente.

Avec l'âge vient le désir de comprendre. Le voyageur, qu'on espère désormais plus réfléchi et plus sensible à l'inévitable face cachée du réel, tente de démêler le pourquoi du comment. Il lit donc ce qui parait sur cette époque, la genèse d'une dictature qui n'a pas encore dit tous ses secrets. Il lit les romanciers espagnols contemporains d'abord : Montalban bien sûr, Cela aussi, Cercas peut-être.

Puis, il guette ce qui parait et tombe sur le surprenant Antonio Munoz Molina, né en 1956, et un roman qui n'est pas historique mais parle si fortement de l'histoire : "Dans la grande nuit des temps". Un roman intimiste dit la critique. Un récit magistral étalé dans le temps et sur près de mille pages qui mêle amour et violences politiques. Une sorte de "Guerre et paix" ibérique qui, dans la réalité, hante encore nos voisins aujourd'hui. Pour l'avoir oublié, le célèbre juge Garson a été récemment trainé en justice et risque de ne plus pouvoir exercer.

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